Elle fait partie des rares grandes blessées de guerre (une partie, détruite, fut reconstruite par l’architecte Auguste Perret, ce qui lui valut d’entrer – en 2005 – dans le cercle convoité des lieux inscrits au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco) qui ont su se réinventer un visage, une allure, tout en cultivant leur âme. Le Havre, où Marcel Carné inscrivait dans la filmographie universelle le regard éperdu de Michèle Morgan face au Gabin canaille de Quai des Brumes, s’offre à tous les regards curieux d’originalité et d’authenticité, et à deux petites heures de train de Paris.
Sans hésiter, donc, on y embrasse avec délectation la 5e édition du Festival littéraire Le Goût des autres placé, cette année, sous le conseil littéraire de Maylis de Kerangal et la direction artistique de Rozenn Le Bris. Toutes deux ont travaillé sur le thème de l’amitié autour de rencontres, signatures, lectures, concerts… rassemblant Amira Casar, Arnaud Cathrine, Joy Sorman, Rubin Steiner, Camélia Jordana, Marie Nimier, Irène Jacob, Agnès Jaoui, Sylvain Tesson… et Mathieu Enard (Prix Goncourt 2015). Les bons soins dispensés par les écaillers du port, qui proposent huîtres et fruits de mer, viendront rythmer les jolis moments de ce rendez-vous désormais fixé sur le calendrier culturel et festif des Parisiens. Après une bonne dose d’iode, l’esprit et les jambes seront alertes pour sillonner les allées de la très complète librairie La Galerne, une institution de la ville, pour ne pas dire de la région.
Le Goût des autres, c’est une belle occasion de (re)découvrir une ville qui a su aborder les années 2000 avec l’énergie propre aux cités maritimes, et sans négliger un sérieux questionnement sur soi. Résultat : une multiplication d’initiatives culturelles et d’interventions urbaines qui, aujourd’hui, en font une halte week-end aussi inattendue qu’agréable, entre une balade sur la promenade du bord de mer, jalonnée de charmantes cabanes blanches (dès les beaux jours) pour prendre un verre, ou déjeuner sous le soleil en songeant que Raymond Queneau, Raoul Dufy ou George Dubuffet naquirent ici ; un choix de jolies boutiques de déco et d’étals de producteurs locaux (Les Halles centrales) ; une piscine en forme olympique imaginée par Jean Nouvel sur les Docks entièrement réaménagés… Alors, après avoir apprécié le Volcan édifié par Oscar Niemeyer, le Musée d’art moderne André Malraux (Muma) ou encore le splendide Musée d’histoire naturelle, on pourra s’octroyer une chouette expérience navale : une virée du côté de la cale sèche laissera pantois…
A défaut d’avoir atteint l’âge de raison, le Festival littéraire Le Goût des autres-Le Havre aligne cinq recommencements, à la manière de cinq sens, ou encore de cinq goûts. Le salé, bien sûr, l’amer, le doux, l’acide et celui qui lui va si bien, l’umami, soit le “délicieux”.
Yamina Benaï
Le Goût des autres, Festival littéraire-Le Havre, 21, 22, 23, 24 janvier, La grande nuit (vendredi 22 janvier, de 19h à 5h). Information-réservation : http://www.lehavre.fr/node/31957 ; http://www.lehavretourisme.com/
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