L’artiste américaine Roni Horn née en 1955 à New York, a déjà exposé en France au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, au Centre Pompidou ou encore aux Rencontres de la Photographie. Cette année, elle revient à Arles à l’invitation de la Fondation Vincent Van Gogh. L’exposition « Butterfly to Oblivion » s’inscrit dans le troisième cycle d’expositions de la Fondation, succédant à d’autres artistes de renom – Bertrand Lavier, Yan Pei-Ming et Thomas Hirschhorn – le lieu ayant pour ambition de créer un dialogue fertile entre la création artistique contemporaine et l’œuvre du maître hollandais.
Par Lola Perez-Guettier
Trois sculptures cylindriques monumentales en verre ouvrent l’exposition. La matière donne l’impression de blocs d’eau cristallisée. Trois sculptures dont la forme apparaît simple et lisse au premier abord mais qui changent d’aspect à mesure que le regard évolue jusqu’à se placer au-dessus d’elles. De blocs, elles semblent devenir contenants remplis d’eau à ras bord.
La contemplation de ces sculptures semble faire écho certains passages du monologue, Saying Water, écrits et lus par l’artiste en 2001. « L’eau reflète le soleil, (…) qu’importe sa provenance, la couleur de l’eau change constamment ». Couleur et lumière… N’est-ce pas ce que Van Gogh recherchait à Arles?
Cette « eau » est pure et transparente comme dans un verre, mais quelque chose nous échappe. Sa profondeur reste insondable, vertige grisant où l’on se perd à contempler les différentes formes qui apparaissent, en fonction des inclinaisons de la tête.
Roni Horn confiait dans un entretien il y a quelques années (1) : « Mes sculptures revêtent assurément un attrait sensuel ». Dans Saying Water, elle affirme: « L’eau est-elle sexy? Oui, l’eau est sexy, là réside son pouvoir, dans sa vulnérabilité, dans son énergie et sa frigidité. L’eau est sexy, sa sensualité me taquine lorsque je m’en approche. Je veux sentir ce liquide déferler sur tout mon corps. Je veux être proche de l’eau, m’y immerger toute entière ».
Il est vrai que l’on voudrait nous aussi y plonger la main pour en comprendre la texture, mais il est interdit d’approcher les sculptures à moins de 80 centimètres, permettant de ne pas se heurter à ce mirage de verre et de succomber au destin de Narcisse.
L’œuvre de Roni Horn nous transporte plutôt dans un état méditatif. « L’eau est toujours une présence spirituelle, une présence mystérieuse. Quand vous regardez l’eau, vous ne savez finalement jamais vraiment ce que vous regardez ».
Transparence, mais également opacité de l’eau qui s’assombrit lorsque la lumière décline : « Black water is black milk » confie d’artiste (« L’eau noire est du lait noir), entourant l’élément d’autant plus de mystère.
Ces images entrent en résonance avec les oeuvres des deux autres artistes exposées à la Fondation. Dans la video Aitaisei-josei, de l’artiste japonaise Tabaimo, le sol d’un salon dessiné semble justement être « a black milk » (« un lait noir ») dans lequel disparaissent des objets. Un étage plus haut, on découvre 50 dessins de Van Gogh qu’il a recouverts de lait en guise de fixatif, ayant la conséquence (inattendue pour le profane) d’en assombrir le trait.
Le dessin est le fondement de la production artistique de Roni Horn. Quatre grands formats se font face dans la deuxième salle. Il sont comme des « micro-mondes spatiaux et abstraits » pour Bice Curiger, commissaire de l’exposition. Un paysage cartographié se dessine, labyrinthique et cérébral. Peut être celui de l’Islande, pays visité de nombreuses fois par Roni Horn. L’artiste coupe, colle, et rassemble plusieurs dessins pour la réalisation finale de ses œuvres. Le jeu optique, provoqué par le puzzle scintillant des formes tourbillonnantes et des pigments luminescents, provoque une forte illusion de mouvement.
Troisième temps de l’exposition, la série de photos Clowndoupt, est également le résultat d’une découpe au cutter et d’assemblages. Les visages apparaissent flous comme sous la glace, dans un reflet déformant et énigmatique.
Enfin, traité avec un processus similaire, Roni Horn matérialise le langage, sous forme de poésie sauvage, avec sa série Hack it. Deux expressions coupées et rassemblées par l’artiste, donnent naissance à une troisième phrase singulière. Les idiomes semblent vus à travers un miroir fracturé. Surgit alors une composition presque absurde qui joue sur les mots et forme des phrases comme hachées par les ailes tranchantes de papillons incontrôlables.
A l’image de la vision que Roni Horn entretient au sujet de l’Islande, Butterfly to Oblivion « est telle un labyrinthe assez grand pour s’y perdre, mais assez petit pour s’y trouver soit même » (2).
(1) Interview de Robert Enright en Juin 2009.
(2) Interview de Mimi Thompson dans Bomb Magazine en 1989.
Informations pratiques:
Les dessins de Van Gogh : « influences et innovation »
Roni Horn : « Butterfly to Oblivion »
Tabaimo « Aitaisei-josei »
Du 12 Juin au 20 Septembre 2015. Ouvert tous les jours de 11h à 19h. Accès à la Fondation Vincent Van Gogh: 35 ter rue du Docteur Fanton- 13200 ARLES. T+ 33(0) 4 90 93 08 08
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